Il est de ceux dont on ne parvient jamais tout à fait à se dire : « il est mort ».
On les imagine en vacances, ou retirés en province.
On décide de leur écrire, et puis on se rappelle…

Le chaos a envahi presque toute la maison. Une seule pièce est un havre, un centre paisible : le bureau-bibliothèque de Jean-Claude. Ses livres, qu’il a pris le temps de sortir des cartons. Pour écrire il a besoin d’être entouré d’eux.
Et moi j’ai pris l’habitude de m’en approcher. Je les prends, un par un. Ils s’ouvrent tout seuls, je me laisse guider par les signets à l’intérieur. Peu à peu « l’esprit » de cette bibliothèque m’apparaît. Les auteurs rassemblés s’écrivent, se rendent visite. Entre toutes ces pages, ces lignes, ces voix, ces mots : des échos que je viens écouter. De chaque vie, je retiens un détail, une image.
Et ces détails finissent par tracer un portrait. Ils font apparaître non pas un fantôme, mais un être humain : chacun de ces fragments est un morceau de Jean-Claude Pirotte. Chacune de ces « citations » est un souvenir.

SYLVIE DOIZELET a publié son premier roman Chercher sa demeure en 1992. Depuis cette date, ont suivi romans et portraits (Sylvia Plath, Rodenbach, Thomas de Quincey, Ruysbroeck, Kubin, Moore, Barlach, Käthe Kollwitz). Elle est aussi traductrice de l’anglais (Ted Hughes, Laura Kasischke, entre autres.) Elle a partagé la vie de Jean-Claude Pirotte du début de ce siècle à sa disparition en mai 2014. Ensemble, ils ont publié Chemin de croix (2004) et Les Périls de Londres (2010).

JEAN-CLAUDE PIROTTE, avocat puis écrivain, est décédé en 2014. Radié du barreau de Namur, en 1975, pour un délit qu’il nie avoir commis (aide à la tentative d’évasion d’un de ses clients), il s’enfuit en France et y mène une vie plus ou moins vagabonde. Pendant cette cavale, il commence à écrire régulièrement des poèmes et des romans, récoltant dans les années 1990-2000 plusieurs prix littéraires, comme le prix Marguerite Duras en 2002 ou celui des Deux Magots en 2006 pour Un adolescent en Gueldre.
Auteur de plus de soixante livres : recueils de poésies mélancoliques, de récits, de romans ou de chroniques principalement au Temps qu’il fait, à La Table Ronde ou au Cherche Midi. Parmi ses romans les plus connus, on peut citer Cavale, Boléro et Un voyage en automne.
Pirotte était également peintre, illustrant les jaquettes de ses livres de paysages liquides. «Un peintre du samedi, un écrivain du dimanche», disait-il.
Il fut également un amoureux de l’ivresse et des dérives dans les nuits urbaines.